— À découvrir
Afin de tracer l’histoire de Cataraqui à travers ses différentes époques et ses personnages, l’historien Frédéric Smith présentera une conférence à la villa du domaine, le dimanche 15 septembre à 14 h. Ce rendez-vous avec l’histoire vous permettra de mieux comprendre la valeur patrimoniale de ce lieu unique. Frédéric Smith est l’auteur du livre Cataraqui : Histoire d’une villa anglaise à Sillery paru en 2001. Nous lui avons posé cinq questions afin de mettre en lumière des faits méconnus du domaine Cataraqui et sa villa anglaise.
Frédéric Smith, vous êtes un historien passionné du domaine Cataraqui qui constitue l’une de vos spécialités de recherche.Qu’est-ce qui a suscité votre intérêt envers ce lieu et pourquoi vous fascine-t-il autant ?
C’est à Cataraqui que j’ai lancé ma carrière d’historien, en 1998, alors que le site était géré et animé par la Fondation Bagatelle. J’ai eu l’occasion de me plonger dans l’histoire de ses anciens occupants, de documenter cette présence anglophone qui a façonné le promontoire de Sillery au 19e siècle et d’enrichir l’offre culturelle de la Fondation Bagatelle à l’époque. J’ai été particulièrement séduit par l’histoire des derniers châtelains de Cataraqui, Catherine Rhodes et Percyval Tudor-Hart. Ce couple, profondément francophile, semblait vivre hors du temps, selon un art de vivre importé du siècle précédent. Vingt-cinq ans plus tard, leur histoire m’habite encore.
Le domaine Cataraqui est l’un des grands domaines aménagés par les barons du bois sur le promontoire de Sillery. En quoi sa villa se démarque-t-elle des autres résidences du même genre à l’époque ?
Chaque résidence, chaque domaine de Sillery avait son caractère propre, mais suivait généralement des principes assez similaires, inspirés de l’architecture pittoresque. Ce mouvement né en Italie et développé en Grande-Bretagne prônait une sorte de retour à la nature, ne cherchant plus l’effet monumental. La villa pittoresque est alors de moins en moins haute et de plus en plus étendue. Des portes-fenêtres font entrer plus de lumière et permettent de mieux communier avec la Nature en brisant la frontière entre l’extérieur et l’intérieur. Les dépendances se fondent dans le cadre naturel et sont donc construites çà et là sur le domaine, tandis que leurs boiseries vertes s’intègrent au feuillage. Cataraqui était sans doute le domaine qui présentait le plus clairement ces caractéristiques de l’architecture pittoresque et nous avons la chance qu’il soit aujourd’hui le domaine le mieux préservé.
Parmi tous les personnages qui ont habité le domaine Cataraqui ou contribué à son développement à travers les époques, lequel est le plus intéressant à vos yeux?
Il s’agit pour moi de Catherine Rhodes, la dernière châtelaine de Cataraqui. Américaine d’origine, issue d’une famille très pauvre, elle est adoptée par la famille Rhodes, vit quelque temps en Angleterre puis s’installe avec ses parents à Cataraqui en 1915. Intéressée par les arts, elle étudie à Paris auprès du peintre canadien Percyval Tudor-Hart, qu’elle épousera plus tard en 1935, à Sillery. Elle a alors 47 ans. Lui a 62 ans et espère que son ancienne élève ne subira pas le même sort que ses deux premières épouses, chacune emportée par la maladie. Catherine fait aussitôt construire un grand atelier à Cataraqui pour son mari. Elle s’implique dans plusieurs œuvres caritatives et fait souvent don des fruits et légumes cultivés dans ses jardins, notamment aux sœurs de Jésus-Marie. Après le décès de Percyval en 1954, Catherine vit dans son souvenir jusqu’à son propre décès, survenu en 1972. Grâce aux efforts de cette grande dame pour préserver le cachet du domaine, le gouvernement l’acquiert en 1975 et le reconnaît aussitôt comme monument historique, assurant ainsi sa préservation.
La villa est aussi liée à l’histoire politique canadienne. Avez-vous en tête une anecdote ou un fait historique méconnu à nous raconter à ce sujet ?
Lors de mes recherches, j’ai découvert que, pendant la Seconde Guerre mondiale, le couple formé de Catherine Rhodes et Percyval Tudor-Hart avait financé les activités d’un comité d’appui au général de Gaulle, ce qui témoigne bien de son amour pour la France. Après la défaite française, Charles de Gaulle souhaite poursuivre le combat. Il s’exile à Londres et lance le mouvement de la France libre. Il envoie au Canada la jeune Élisabeth de Miribel, qui lui rapporte que les Canadiens français se méfient alors de ce général encore inconnu, tandis que les Français de Montréal s’entredéchirent pour prendre le leadership du mouvement au Canada.
Or, Miribel découvre à Québec une communauté de Français et de Canadiens français qui travaillent main dans la main pour faire connaître l’action du général. Ce Comité France libre de Québec a été fondé par une Franco-Algérienne d’origine, née Marthe Caillaud, qui avait épousé en 1932 le médecin canadien-français André Simard. Le couple Rhodes-Tudor-Hart s’y implique, finance la publication d’un manifeste et reçoit à Cataraqui les représentants et émissaires du général de Gaulle de passage au Canada. En 1943, Marthe Simard deviendra la première femme parlementaire de France. J’ai eu l’occasion de raconter son histoire et celle du Comité France libre de Québec dans un ouvrage publié en 2012 aux éditions VLB.
Pour les personnes qui ne connaissent pas le domaine Cataraqui et sa villa, quelles raisons leur donneriez-vous pour les inciter à découvrir cet endroit ?
Il y en a tellement ! Son mélange de jardins à la française et à l’anglaise. Son jardin d’hiver qui jouxte le Grand Salon. Le mélange d’élégance et de discrétion dans l’architecture de la villa, notamment les moulures et rosaces au plafond qui sont d’origine. Ses foyers dans presque chaque pièce. L’impression de plonger dans une autre époque en déambulant entre les dépendances et les anciennes serres. Son centre d’interprétation des grands domaines de Sillery, un projet que j’avais mis en branle il y a plusieurs années lorsque je travaillais pour la Commission de la capitale nationale du Québec et qu’on trouve désormais dans l’ancien poulailler. Comme je l’évoquais précédemment, il s’agit d’un lieu qui semble évoluer hors du temps et qui nous rappelle le riche passé de Sillery.
Pour plus de contenus ou d’informations sur les activités de la Commission de la capitale nationale du Québec, consultez notre site Web.
- Mention de provenance des images :
- Frédéric Smith : Samuel Tessier, photographe
- Catherine Rhodes : Collection Ton Heather Evans Morewood
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